CHAPITRE III
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LES OBJECTIONS.

Dans l'expérience si remarquable, rapportée par M. Crookes, où il est prouvé que l'intelligence qui se manifeste est capable de LIRE un mot qui n'est connu ni du médium, ni de l'expérimentateur, on a pu remarquer la phrase suivante : «Une dame écrivait automatiquement au moyen de la planchette». Expliquons ce nouveau genre de médiumnité.

Ainsi que nous l'avons raconté, les premières manifestations eurent lieu à Hydesville par coups frappés dans les murs, puis on passa à l'emploi de la table, mais ce moyen de communication était long et incommode, de sorte que les Esprits en indiquèrent un autre. Un jour que l'on expérimentait, l'un des êtres invisibles qui produisait la manifestation ordonna au médium de prendre une corbeille et d'y fixer un crayon, de mettre le tout sur une feuille de papier blanc et de poser les mains sur le bord de la corbeille, mais sans appuyer. Ces recommandations furent suivies et, au grand étonnement des assistants, on obtint quelques lignes d'une écriture indécise. Le phénomène se reproduisit plusieurs fois et bientôt se répandit partout.

Les Esprits, au lieu de se servir de la table et de répondre, soit par coups frappés, soit en levant un des pieds, agissaient directement sur la corbeille au moyen du fluide fourni par l'opérateur. Ce procédé fut rapidement perfectionné, on reconnut que la corbeille n'était qu'un instrument dont la nature et la forme étaient indifférentes et l'on construisit une planchette, c'est-à-dire un petit plateau de bois porté sur trois pieds et dont une extrémité est munie d'un crayon.

L'on obtint, en pratiquant ainsi, de véritables lettres dictées par les Esprits, avec une rapidité aussi grande que si les invisibles avaient écrit eux-mêmes. Plus tard encore on constata que corbeille ou planchette n'étaient que des accessoires, des appendices inutiles, et le médium, prenant directement le crayon, écrivit mécaniquement sous l'influence des Esprits. Cette faculté d'écrire inconsciemment sur les sujets les plus divers : science, philosophie, littérature, et en employant des langues souvent inconnues du médium, fut nommée : Médiumnité mécanique.

Par cette nouvelle méthode les communications entre le monde spirituel et le nôtre furent rendues plus faciles et plus promptes, mais les personnes douées de ce pouvoir se rencontrent plus rarement que celles qui obtiennent par la table. Avec l'exercice, on trouva que tous les sens pouvaient donner lieu à des manifestations d'outre-tombe, et bientôt on compta des médiums voyants, auditifs, sensitifs, etc.

Pour un incrédule il est incontestable que la médiumnité mécanique est sujette aux plus graves objections.

En écartant toute idée de supercherie, il peut néanmoins se figurer que cette action d'écrire automatiquement est due à un mode d'action particulier du système nerveux, à une sorte d'action réflexe de l'intelligence du médium, s'exerçant sans le contrôle de la conscience. Il est vrai que ceci est bien hypothétique, mais cette théorie, déjà assez difficile à concevoir, est rendue inutile et inacceptable par l'expérience de M. Crookes déjà relatée. Le médium écrivain ne pouvait voir le mot du Times caché par le doigt de l'illustre chimiste, celui-ci ne pouvait transmettre sa pensée à cette dame, puisqu'il ignorait quel mot il avait indiqué, donc l'intervention d'une intelligence étrangère se manifestant par Mlle Fox est la seule explication plausible.

Le chevalier des Mousseaux raconte qu'un soir, se trouvant dans une famille où il avait l'habitude de passer la soirée, on fit du spiritisme en présence de plusieurs savants linguistes. A cette époque on ne connaissait encore que les communications par la table, le résultat n'en fut pas moins convaincant. On obtint par ce procédé une dictée en langue hébraïco-syriaque que personne ne connaissait, mais qui, portée à l'école des langues étrangères, fut reconnue écrite dans un dialecte phénicien qu'on employait, il y a plus de 2000 ans, dans les environs de Tyr. M. des Mousseaux, fort sceptique d'abord, se déclara convaincu de l'intervention d'une intelligence étrangère à celle des assistants, mais conclut en attribuant au Diable ces merveilleuses manifestations. Nous qui ne croyons ni à Satan, ni aux démons, nous préférons admettre qu'un esprit s'est manifesté de cette manière pour donner un témoignage éclatant de l'existence du monde occulte.

Nous avons été nous-même témoin, à Paris, de l'obtention d'une communication écrite en caractères arabes par une personne qui n'a jamais quitté la France, et dont l'instruction ne permet pas de supposer une supercherie. Le même fait s'est reproduit d'une manière différente. Cette fois la dictée des esprits était faite en patois italien, en réponse à une question posée dans cette langue ; il est utile d'ajouter que le médium ne connaît pas plus l'italien que l'arabe.

Souvent les phénomènes spirites n'atteignent pas ce degré de puissance, mais n'en sont pas pour cela moins probants. Il arrive parfois que l'Esprit qui se communique, désireux de se faire reconnaître, emploie la même écriture que de son vivant et signe ainsi qu'il avait coutume de le faire.

Si l'on n'a pas toujours des preuves aussi palpables, ce qui est assez rare d'ailleurs, on constate souvent dans les communications des Esprits un caractère de sagesse, une hauteur de vues, des pensées si sublimes, qu'elles ne sauraient émaner du médium qui est assez communément un être ordinaire, ne se distinguant de ses semblables par aucune qualité spéciale. Voici à ce propos ce que rapporte M. Sarjeant Cox, jurisconsulte distingué et écrivain philosophe d'une grande valeur, par conséquent bon juge, dit M. Wallace, en matière de style. Ce savant raconte qu'il a entendu un garçon de comptoir sans éducation soutenir, quand il était en transe, une conversation avec un parti de philosophes sur la raison et la prescience, la volonté et la fatalité, leur tenir tête. «Je lui ai posé (dit M. Sarjeant) les plus difficiles questions de la psychologie et j'ai reçu des réponses toujours sensées, toujours pleines de force, et invariablement exprimées en langage choisi et élégant. Cependant un quart d'heure après, quand il était dans son état naturel, il était incapable de répondre à la plus simple question sur un sujet philosophique et avait peine à trouver un langage suffisant pour exprimer les idées les plus communes.»

Les facultés médianimiques les moins sujettes à suspicion sont sans contredit la médiumnité voyante et la médiumnité auditive. Ainsi que son nom l'indique, la première de ces facultés consiste dans le pouvoir dont sont douées certaines personnes de voir les Esprits. Dans ce cas, nul doute n'est admissible, car si le médium dépeint la figure, le costume, les gestes habituels d'un être qu'il n'a jamais vu, si on reconnaît que cette description est en tout point celle d'un parent mort auquel on ne songeait pas, il faudra bien admettre que la vision est réelle, et que, de plus, la personnalité décrite existe d'une manière positive devant les yeux du médium.

Allan Kardec rapporte dans la Revue Spirite qu'un M. Adrien jouissait de ce pouvoir au plus haut degré. Nous connaissons aussi à Paris une sage-femme, Mme R..., qui voit les Esprits continuellement, à tel point que, parfois, elle a peine à les distinguer d'avec les vivants. Ici on ne manquera pas d'alléguer de suite le grand mot d'hallucination : c'est le refuge des incrédules, l'épée de chevet de tous ceux qui combattent le spiritisme. Mais c'est bien peu connaître ces phénomènes que de leur attribuer cette cause. L'hallucination est un fait anormal qui se produit presque toujours à la suite d'accidents pathologiques, ou dans les moments qui précèdent le sommeil ou le suivent, tandis que chez les médiums que nous avons cités, la vue des Esprits est pour ainsi dire permanente. Il ne faut pas oublier non plus que cet état morbide ne peut retracer à l'imagination malade que des tableaux qui n'ont rien de commun avec la vie réelle, que ce sont des phénomènes purement subjectifs, et qu'en aucun cas un halluciné n'a pu donner le signalement exact d'un personnage qu'il n'avait jamais vu, de manière à le faire reconnaître par ses parents ou ses amis. Nous reviendrons sur cette question dans la cinquième partie.

Nous avons jusqu'alors cité assez de savants qui partagent nos idées, assez de noms illustres et révérés, pour affirmer notre croyance en l'immortalité de l'âme sans craindre la raillerie. Nous avons tenu à mettre sous les yeux du lecteur ce majestueux ensemble de témoignages, afin de faire connaître à ceux qui l'ignorent que le spiritisme est une science dont les bases sont posées à l'heure actuelle d'une manière inébranlable. On ne peut traiter aujourd'hui nos idées de grossières superstitions, comme on le faisait jadis, car, en vérité, si une erreur pouvait se propager aussi universellement, si des hommes d'étude, des autorités scientifiques, des philosophes pouvaient, dans toutes les parties du monde et simultanément, en être les victimes, il faut convenir qu'il y aurait là un phénomène plus étrange que les faits spirites eux-mêmes.

En définitive, qu'y a-t-il de si extraordinaire à croire aux Esprits ? Toutes les philosophies spiritualistes démontrent que nous avons une âme immortelle, les religions l'enseignent sur la surface entière de la terre ; dès qu'il nous est démontré que ces âmes peuvent se manifester aux vivants, il nous semble tout naturel que notre conviction se répande avec rapidité dans l'univers entier. Au moyen des tables tournantes, des médiums mécaniques ou autres, nous pouvons acquérir la conviction que les êtres que nous avons chéris, que les morts que nous avons pleurés, sont autour de nous, veillent avec sollicitude sur notre bonheur, et nous soutiennent moralement dans la vie : nous ne voyons rien là qui puisse choquer la raison.

Le spiritisme a, il est vrai, beaucoup d'ennemis intéressés à sa perte ; d'un côté, les matérialistes ; de l'autre les prêtres de toutes les religions, de sorte que ses malheureux partisans sont en quelque sorte entre l'enclume et le marteau et reçoivent force horions de tous côtés.

Les matérialistes ont des arguments extraordinaires ; ils ne conçoivent pas la bonne foi chez leurs adversaires et prétendent que les phénomènes spirites sont dus tous à la mystification ou à la jonglerie. Pour ces esprits forts, il n'existe dans le monde que deux classes : les dupeurs et les dupés. Or, n'étant pas de leur avis, nous sommes nécessairement des dupeurs et nos médiums de vulgaires charlatans. Pour que l'on ne nous accuse pas de noircir à dessein le tableau, nous pourrions citer de nombreux extraits d'ouvrages où l'on ne réclame pas moins que la prison pour punir les pratiques spirites ; d'aucuns ayant remarqué que le siècle n'est plus à la persécution brutale, ont fait vibrer une autre corde : ils ont prétendu que tous les adeptes de la nouvelle doctrine étaient fous et qu'eux seuls possédaient la sagesse impeccable. Ils se sont arrogé le droit d'avoir seuls du bon sens ; aussi ils nous malmènent de la pire manière dans leurs écrits. Montrons un échantillon de ces aménités en citant deux articles de M. Jules Soury, parus dans la République Française du 7 octobre 1879.

La méthode du journaliste est simple : elle consiste à nier sans preuves, comme toujours, à procéder par affirmations sur les sujets en litige, et à insinuer que les spirites, même les savants les plus autorisés, sont atteints de manie raisonnante par suite de leur grand âge, qui ne leur permet plus de juger sainement ce qui se passe sous leurs yeux. Ecoutons ce chef-d'oeuvre de mauvaise foi.

«Il (Zöllner) a précisément fait suivre les expériences qu'il croit avoir instituées avec Slade, par G. Weber et Th. Fechner ; jamais il n'oublie de citer ces savants illustres, comme des témoins de ces expériences, et, de fait, le témoignage de pareils hommes ne manquerait point de poids, si l'un n'était âgé de soixante-seize ans et l'autre de soixante-dix-neuf !»

Ainsi ces hommes vénérables, dont les cheveux ont blanchi à la recherche de la vérité, sont déclarés inaptes à se prononcer sur une question scientifique, parce qu'ils ont eu le malheur de déplaire à M. Jules Soury ! Il faut croire que notre journaliste, qui n'est qu'une piètre personnalité en face de ces grands noms, a découvert le moyen de savoir à quel âge précis on raisonne et à quel autre on doit être mis à la retraite. On n'aurait jamais cru, en le lisant, qu'il fallait atteindre soixante-seize ans pour déraisonner, car, n'est-ce pas ridicule de voir recourir à de tels arguments pour combattre une idée ?

Notre critique ne se contente pas de supprimer moralement les illustrations qui le gênent ; il traite Zöllner de fou lucide, et déclare le professeur Ulrici atteint de manie raisonnante !

On se demande si l'on est éveillé en lisant de telles absurdités, et l'on est plus tenté d'examiner l'état mental de M. Jules Soury que de stigmatiser ses procédés de polémique. Si on le suivait dans cette voie, il n'y aurait plus qu'à faire placer dans des maisons d'aliénés Crookes, Wallace, Oxon, Sarjeant Cox, Barkas, Hare et le juge Edmunds. Si M. Jules Soury se bornait à dire de pareilles choses, on pourrait le laisser faire, car le bon sens public fait justice de ces insanités, mais il va plus loin et traite le médium Slade comme un exploiteur vulgaire, c'est ce qu'il ne nous est pas permis de laisser passer sans protester. Nous allons citer quelques passages d'une brochure de M. Fauvety et de Mme Cochet, très bien écrite et où les agissements de notre critique sont mis à nu :

«Vous n'hésitez pas à présenter Slade, en France, comme un escroc effronté ; cependant, voyons vos preuves. Vous croyez d'abord devoir dénoncer à la perspicacité de vos lecteurs que Henry Slade a une longue taille, de longs bras, de longues mains, de longs doigts. Vous vous étendez avec complaisance sur «sa pâleur de spectre, ses yeux brillants, son rire silencieux». De sorte que ce portrait rappelle celui du loup du petit chaperon rouge et celui de Méphisto de Faust. Tandis que les gens d'imagination iront jusqu'à mettre des griffes au bout de ces longs, longs, longs membres, les esprits positifs supposeront d'abord que c'est une grâce d'état qui doit aider singulièrement aux tours de passe-passe d'un prestidigitateur.

«Ceci s'appelle procéder par insinuation ; très habile, Monsieur, passons.

«Vous rappelez le procès qui fut intenté à Slade en Angleterre, au mois d'octobre 1876. En ceci encore, vous faites preuve d'habileté, sachant combien on est porté à voir dans un accusé un coupable.

«Cependant toutes vos recherches ne peuvent vous mettre sur la trace d'une tromperie. L'accusation est puérile et ne repose sur aucune donnée positive, tandis que la défense amène à la barre les hommes les plus considérables de l'Angleterre et notamment celui que vous nommez «l'illustre émule de Darwin», Alfred Wallace. - Encore un fou lucide !

«Je n'ai pas à insister sur ce procès qui se termina en cour d'appel par un acquittement.

«Maintenant je vous suis à Berlin.

«A Berlin, M. Slade a pour lui tous les savants, et qui contre lui ? Un prestidigitateur qui imite ce que vous appelez les «tours de Slade».

«L'affirmation est bien vague ; pour la première fois, vous touchez enfin à la question de savoir si, oui ou non, Slade use de moyens matériels pour produire les phénomènes qu'il dit être dus à une cause étrangère. C'est ici qu'il s'agissait de donner tous les détails propres à éclairer l'opinion. Ces détails eussent eu plus de poids que les huit longues colonnes au travers desquelles vous amoncelez contre Slade des insinuations et pas un seul fait. Il importe, en effet, de savoir dans quelles conditions s'est mis Hermann pour imiter les «tours», s'il les a reproduits tous ou seulement quelques-uns, s'il a opéré chez lui ou dans un local préparé, et enfin s'il s'est soumis de la part des assistants au contrôle que Slade subit lui-même. Autant de circonstances importantes dont vous ne soufflez mot.

«Vous ajoutez encore avec plus d'inconséquence : «Le médium trouva, à la vérité, un compère en Bellanchini, le prestidigitateur de la cour, qui déclara par-devant notaire que Slade n'était pas un confrère, mais un savant.» On peut vous demander sur quelles preuves vous vous appuyez pour accuser si prestement Bellanchini de compérage, c'est-à-dire de friponnerie. Si vous êtes certain de la complicité, vous devez l'appuyer sur des faits, fournir vos preuves ; mais si vous faites une supposition gratuite, le ton affirmatif est déplacé et vos lecteurs peuvent vous mettre au défi de le soutenir. Cela s'applique également à cette autre assertion que : «Les réponses écrites sont de la main de Slade.» C'est bientôt dit, seulement vous oubliez encore ici un tout petit détail : la preuve de ce que vous avancez.»

C'est ainsi qu'agissent les détracteurs du spiritisme ; ils affirment sans preuves des faits nullement démontrés, et partent de ces affirmations fausses pour tirer des conséquences contre la doctrine. Une pareille méthode de procéder témoigne, ou de beaucoup de parti pris, ou de pas mal d'ignorance du sujet que l'on traite. Nous inclinons à croire qu'il y a encore plus de passion qu'autre chose, car lorsque l'on propose à nos Aristarques de produire devant eux les phénomènes, ils se dérobent prudemment, pour ne pas être obligés de s'incliner devant l'évidence. C'est ce qui est arrivé à M. Jules Soury ; on lui offrit d'assister à une séance spirite, il s'y refusa absolument1.

Parmi les objections qu'on ne manque jamais d'adresser aux spirites, se trouve la suivante : Pourquoi, si les phénomènes que vous produisez sont réels, ne pouvez-vous les obtenir à volonté devant les incrédules ? La réponse est facile. On a constaté par l'expérience que pour avoir des communications des Esprits plusieurs conditions sont nécessaires : 1° il faut un médium ; 2° il est nécessaire que sa faculté corresponde au genre de manifestation que l'on demande. Ainsi, si l'on veut évoquer par la table, le médium ne sera pas le même que pour l'écriture, comme il peut arriver qu'un médium voyant ne soit pas auditif.

Il est des personnes privilégiées qui réunissent plusieurs facultés portées à un haut degré, tels sont MM. Home et Slade, mais chez ces favorisés la médiumnité n'est pas constante, elle est soumise à des fluctuations et même à des arrêts qui leur enlèvent tout pouvoir. De sorte que pour convaincre un incrédule, il ne suffit pas toujours d'avoir un médium, il faut savoir si ce dernier est dans de bonnes conditions pour servir d'intermédiaire aux Esprits. On ignore encore quelles sont les lois qui dirigent ces sortes de flux et de reflux de la médiumnité, mais nous croyons qu'on peut les attribuer à deux causes : ou à la santé physique du sujet, ou aux Esprits qui ne peuvent ou ne veulent pas toujours se manifester.

On a pu remarquer chez de forts médiums, tels que Mlle Florence Cook, M. Home, M. Slade, après les séances spirites où des manifestations s'étaient produites, une telle déperdition de force, qu'elle produisait des malaises, des défaillances qui ne leur permettaient pas d'en donner d'autres de longtemps. Cet état de prostration peut être rapproché des intermittences que l'on remarque dans la voyance des sujets somnambuliques. Le célèbre Alexis qui s'est conquis une réputation très grande, avoue que souvent sa faculté l'a abandonné pendant quelques jours, sans qu'il pût se rendre compte des raisons qui produisaient cette atonie.

Il faut, en second lieu, considérer que les Esprits sont des êtres comme nous, qu'ils sont soumis à des lois qu'il ne leur est pas possible d'éluder à leur guise, et que, de plus, ils ont leur libre arbitre, en vertu duquel ils ne sont jamais obligés de se rendre à notre appel.

Un grief que nous avons souvent entendu formuler était précisément l'absurdité qu'il y avait à croire que des philosophes comme Socrate, des physiciens comme Newton, des poètes comme Corneille, étaient forcés de venir causer à une demi-douzaine de badauds réunis autour d'une table. Il serait ridicule, en effet, qu'il en fût ainsi. La doctrine spirite enseigne, au contraire, que les Esprits peuvent répondre à nos évocations, mais qu'ils ne le font que lorsqu'ils jugent que cela est nécessaire.

Si les expérimentateurs ne cherchent dans les pratiques spirites qu'un puéril divertissement, ils sont certains à l'avance d'être dupes d'Esprits farceurs qui viendront leur raconter toutes les saugrenuités possibles, et ce, sous le couvert des noms les plus illustres. C'est qu'en général on ignore que le monde des Esprits est composé des éléments les plus divers. De même que sur la terre nous rencontrons des intelligences à tous les degrés de développement, de même le monde spirituel, qui n'est que le nôtre avec le corps en moins, contient des individualités d'élite à côté des Esprits les plus arriérés.

Il résulte de ces considérations que l'on peut obtenir des dictées spirites variant d'élévation morale suivant l'être qui les a produites. Quel que soit le nom dont un Esprit signe, il ne faut y attacher qu'une importance secondaire ; ce qu'il importe de considérer, ce sont les idées émises. Si l'enseignement reçu est grand, s'il prêche l'amour de nos semblables ou s'il nous fait comprendre les lois de la morale, il émane d'un Esprit avancé ; si la communication renferme des idées vulgaires, énoncées en termes malséants, quelle que soit la signature, l'Esprit est peu avancé.

Toutes ces recommandations ont été faites maintes fois par Allan Kardec, dans ses livres et dans la revue qu'il dirigeait, mais nos contradicteurs ne se sont jamais donné la peine de les lire, de sorte que nous sommes obligé de les remettre à jour.

Les observateurs sérieux qui ont voulu savoir ce qu'il y a de vrai dans le spiritisme se sont soumis à toutes les conditions indispensables pour la réussite de l'expérience. Loin d'exiger dès la première séance des preuves convaincantes, c'est lentement, méthodiquement, qu'ils se sont familiarisés avec toutes les phases du phénomène. M. Barkas s'est tenu dans l'expectative pendant dix ans, M. Crookes pendant six ans, M. Oxon pendant huit ans, etc. C'est par l'étude attentive de tous les faits, lorsqu'ils furent rompus, à toutes les étrangetés apparentes des manifestations, qu'ils recherchèrent les causes capables de les produire, et quand ils eurent réuni une grande quantité d'observations prises dans différents milieux, ils en firent la synthèse, et conclurent enfin à l'existence et à l'intervention des Esprits.

Nous savons qu'une pareille étude demande beaucoup de temps et un désir ardent de connaître la vérité ; aussi n'est-elle pas à la portée de tout le monde. Les savants eux-mêmes n'ont pas toujours assez de courage pour poursuivre des recherches qui, si elles aboutissent, les mettront en contradiction avec leurs confrères et leur attireront une foule d'ennuis. C'est pourquoi, au lieu d'un rapport sérieux et circonstancié, l'Académie des sciences admit comme explication des phénomènes spirites les mouvements du long péronier.

Il paraît que ce muscle, qui est voisin de la cheville, a la propriété de craquer, ce qui fait que M. Schiff pria M. Jobert de Lamballe de communiquer à l'Académie cette lumineuse découverte. Immédiatement les docteurs Velpeau et Cloquel applaudirent et confirmèrent le fait. D'après la science officielle, il est démontré que lorsque les coups frappés répondent à une question mentale, ce ne sont pas les Esprits qui produisent ces bruits, mais le long péronier qui fait des siennes. Si vous obtenez comme M. Crookes le nom d'un mot caché par votre doigt, c'est toujours le long péronier, car il est non seulement craqueur, mais encore doué de la double vue !

Si l'on a quelque fois accusé les spirites d'être des fantaisistes, avouons que les savants réunis sont capables d'imaginer des plaisanteries plus drôles que toutes celles que nous pourrions inventer. Rien de comique comme une grave cervelle quand elle vient à déraisonner ; elle va dans cette voie beaucoup plus loin que les simples mortels ne sauraient le faire, et la trouvaille de génie de MM. Schiff et Jobert de Lamballe est bien faite pour désopiler la rate de leurs contemporains. C'est la seule fois que le spiritisme fut présenté à l'illustre assemblée qui a dû en garder un singulier souvenir.

Continuons l'examen des critiques du spiritisme. On a quelquefois posé la question suivante : En supposant que le spiritisme soit une vérité, pourquoi les Esprits, pour se manifester, ont-ils besoin d'une table et d'un médium ?

Il serait absurde de supposer qu'un Esprit soit obligé, pour nous donner ses instructions ou ses conseils, de venir se loger dans un pied de table, de chaise ou de guéridon, car celui qui serait privé de ces instruments ne pourrait recevoir de communications ; de plus, ces meubles ne sont doués d'aucune vertu spéciale qui puisse légitimer un tel pouvoir. Il faut se familiariser avec la vie des Esprits et leur mode d'opérer pour comprendre ce qui se passe dans la typtologie.

De tout temps les Esprits existent, puisque c'est eux qui en s'incarnant peuplent la terre ; de tout temps aussi, ils ont exercé leur influence sur le monde visible par des manifestations physiques et par des inspirations données aux hommes. Ces pensées, qui sont en quelque sorte soufflées dans le cerveau de l'incarné, ne laissent pas de traces, mais si les invisibles veulent témoigner leur présence d'une manière ostensible, ils se servent d'un médium pour lui emprunter le fluide qui leur est nécessaire et mettent en mouvement le premier objet venu, table ou chaise, de manière à signaler leur présence. La table n'est pas une condition indispensable du phénomène ; lorsque les Esprits s'en servent, c'est que c'est plus commode et voilà tout. Le médium, lui, est nécessaire, car sans son action rien ne peut se produire ; mais il ne joue que le rôle d'intermédiaire, souvent inconscient et n'a d'autre mérite que celui de la docilité.

Une cause d'étonnement pour ceux qui connaissent peu les principes de la doctrine spirite, c'est que les Esprits ne répondent pas toujours lorsqu'on les interroge sur l'avenir, ou lorsqu'on leur pose des questions relatives à la solution de certains problèmes scientifiques.

Les demandes que l'on entend formuler à chaque instant prouvent une ignorance complète de la mission des Esprits et du but de leurs manifestations. Toute demande faite dans un intérêt purement personnel, avec un sentiment égoïste, ne reçoit jamais de réponse, ou bien, si on en donne une, elle émane d'Esprits farceurs qui cherchent à nous tromper. Il ne faut pas se dissimuler que dans le monde spirituel, ainsi que sur la terre, les esprits sérieux, avancés, sont l'exception, car s'il en était autrement, notre monde serait plus parfait.

Il y a, dans l'espace, des êtres qui rôdent autour de nous, s'intéressent à notre vie et cherchent fréquemment à s'amuser à nos dépens lorsqu'ils voient que la cupidité ou d'autres vues sont les seuls mobiles qui dirigent un consultant. Ils peuvent se livrer à mille facéties dont l'imprudent est la victime. C'est ce qui nous fait prendre en pitié ceux qui ne voient dans le spiritisme qu'un moyen de rechercher des objets perdus, de demander des conseils sur leur position matérielle ou de découvrir des trésors cachés.

La science spirite a un but plus noble, plus grandiose ; elle a pour principal objectif de nous démontrer l'existence de l'âme après la mort, et n'eût-elle amené que ce résultat, que les conséquences qui en découlent au point de vue moral et social seraient déjà considérables. Mais là ne se bornent pas ses bienfaits ; elle nous donne des indications précises sur la vie future, nous permet de comprendre la bonté et la justice de Dieu, nous fournit l'explication de notre existence sur la terre, en un mot, c'est la science de l'âme et de ses destinées.

Ceci nous amène à parler des instructions que nous recevons des Esprits supérieurs que nous appelons nos guides. Ils ont déjà dévoilé à nos yeux une grande partie des mystères qui voilaient le lendemain de la mort, en nous initiant aux splendeurs de la vie spirituelle, et en nous faisant entrevoir les grandes lois qui dirigent l'évolution des choses et des êtres vers des destinées plus hautes. Mais ils ne peuvent tout nous dire, car si cela était, il n'y aurait nul mérite de notre part, et comme nos acquis spirituels doivent être le résultat de nos efforts individuels, il ne leur est pas permis de nous révéler tout ce qu'ils savent.

D'un autre côté, il est évident qu'il faut qu'ils proportionnent leur enseignement au degré d'avancement des hommes. Que dirait-on d'un professeur qui voudrait enseigner le calcul intégral à un enfant de dix ans ? Qu'il est fou, car, avant d'en arriver là, il faut que cet enfant apprenne les différentes parties des mathématiques qui conduisent par un enchaînement logique jusqu'à cette science qui en est le dernier terme. De même les Esprits ne peuvent nous révéler que progressivement les vérités qu'ils connaissent, à mesure que nous devenons plus aptes à les comprendre.

Ils ont néanmoins donné, par communications, les idées les plus hautes auxquelles sont arrivées les déductions modernes. Allan Kardec prêchait l'unité de la force et de la matière, à une époque où ces notions étaient loin d'être admises par la science officielle. Nos guides nous promettent pour l'avenir des révélations plus grandioses encore ; c'est pourquoi, encouragés par ce qu'ils ont déjà annoncé, nous attendons avec patience de nouvelles découvertes dans l'avenir.

On a cru trouver un argument décisif contre les spirites, dans cette constatation que les Esprits des différents pays n'ont pas la même manière de voir sur un grand nombre de points ; que les uns admettent la réincarnation, alors que d'autres la rejettent ; que les uns sont catholiques, alors que les autres soutiennent le protestantisme, etc., et on part de là pour affirmer que les communications pourraient bien n'être que le reflet de l'esprit des médiums, suivant l'équation personnelle de chacun, comme le dit M. Dassier.

Nous avons déjà combattu cette manière de voir et montré que, lorsque l'influence spirituelle s'exerce, ce sont bien véritablement des intelligences étrangères au médium qui produisent les phénomènes ; de plus, ces êtres disent avoir vécu sur la terre, non pas une fois, mais à plusieurs reprises. Nous n'avons nulle raison de douter de leur affirmation, d'autant plus qu'elle corrobore un système philosophique de la plus sévère logique. La pluralité des existences de l'âme concilie toutes les difficultés que ne peuvent résoudre les religions actuelles, c'est pourquoi nous avons adopté cette manière de voir. La réincarnation est une loi sans laquelle on ne pourrait comprendre la justice de Dieu ; elle est confirmée par des milliers d'êtres qui dénotent, par leur raisonnement et leur style, de l'avancement de leur esprit ; nous devons donc en conclure que ceux des Esprits qui ne partagent pas ces idées sont des âmes arriérées qui parviendront plus tard à la vérité.

Sur la terre, même dans un pays civilisé comme le nôtre, combien peu d'hommes connaissent les enseignements de la science ! Si nous nous placions sur une voie publique, et que nous puissions arrêter vingt personnes qui passent et nous livrer à un examen de leurs connaissances, il y a beaucoup à parier que dix-huit au moins seraient incapables de nous donner des renseignements exacts sur les différentes fonctions de la digestion. Or, est-il un phénomène plus habituel, qui se reproduise plus fréquemment que celui-là ? Si donc la masse est si peu instruite des notions qu'il lui importerait le plus de savoir, à plus forte raison ne se rendra-t-elle pas compte des problèmes compliqués desquels dépend la vie spirituelle.

Le monde spirite, ou des Esprits, étant absolument la reproduction du nôtre, nous ne devons pas nous étonner des divergences de vues, d'opinions, qui se manifestent dans les communications. Loin d'accepter toutes les idées qui nous arrivent par le canal des médiums, nous devons passer au crible de la raison les théories qu'on nous donne ainsi, et impitoyablement rejeter celles qui ne sont pas en parfait accord avec la logique. Dieu a placé en nous ce flambeau divin que rien ne doit éteindre et notre droit le plus sacré est celui de ne croire qu'aux choses que nous comprenons nettement. C'est pourquoi le spiritisme, si bien résumé dans les oeuvres d'Allan Kardec, répond aux aspirations de notre époque : de là, sa propagation rapide dans le monde.

Un écrivain positiviste, M. Dassier, a eu la prétention d'affranchir les hommes de ce qu'il appelle «les énervantes hallucinations du spiritisme». Après une promesse aussi mirifique, nous nous attendions à une réfutation en règle de tous les arguments des spirites, mais nous n'avons trouvé en face de nous qu'une réédition plus ou moins déguisée des vieux griefs : charlatanisme, superstition, etc. M. Dassier fait néanmoins un pas en avant : il consent à croire que ce que nous appelons le périsprit est bien une réalité ; seulement il le nomme double fluidique, personnalité posthume ou mesmérienne, et lui attribue les pouvoirs les plus étendus. Cet auteur a réuni des documents remarquables qui prouvent que l'homme est double et que, dans certaines circonstances, il peut se produire une séparation entre les deux principes qui le composent. Nous reviendrons plus particulièrement sur cette étude dans les chapitres suivants. Signalons seulement ici le procédé de M. Dassier qui, tout en combattant nos doctrines, reconnaît l'exactitude des faits avancés par Allan Kardec et la bonne foi des médiums. Il croit tout expliquer par l'hypothèse de la transmission de pensée et de la survivance temporaire de l'individualité. Selon lui, au moment de la mort, toute force vitale n'est pas absolument anéantie ; ce qui formait le double fluidique peut vivre encore quelque temps, mais petit à petit se divise et se désagrège à mesure que les éléments qui le constituent vont rejoindre leurs similaires dans la nature.

Pour réfuter cette doctrine, il suffit de dire que nous avons par milliers des communications qui nous affirment le contraire. D'ailleurs, l'auteur se borne à énoncer sa manière de voir sans se donner la peine d'en fournir des preuves. M. Dassier a tout simplement accaparé à son profit une partie des théories théosophiques qui prétendent, elles aussi, que tous les hommes n'ont pas à un degré égal la possibilité d'atteindre à l'immortalité. Tous ces systèmes témoignent d'un progrès sur le matérialisme pur, mais ne peuvent satisfaire les hommes sérieux qui ne se bornent pas à de vagues notions et qui exigent des données positives pour asseoir leurs convictions.

On a essayé d'assimiler le médium écrivain à un somnambule lucide ; on sait, en effet, que le magnétiseur peut, dans certains cas, faire exécuter à son sujet les mouvements auxquels il pense, sans pour cela être obligé d'énoncer oralement sa volonté. On ne peut établir aucune analogie entre ce fait et la médiumnité. Dans les expériences spirites, le médium ne dort pas et la personne qui évoque est le plus souvent fort ignorante des pratiques magnétiques ; donc la pensée du consultant ne saurait produire les effets vraiment remarquables que l'on observe.

D'ailleurs, le médium mécanique peut soutenir une conversation pendant que sa main écrit automatiquement, il est intellectuellement dans son état normal ; on ne saurait donc comparer cet état avec le somnambulisme naturel ou provoqué.

Le clergé de toutes les religions est entré en guerre contre le spiritisme, car il détruit à tout jamais la croyance à l'enfer et, par conséquent, aux peines éternelles. Il sape par la base la théorie du péché originel et fait un Dieu bon et miséricordieux de la divinité farouche et cruelle des prêtres. La philosophie spirite ne s'appuie pas sur la foi, elle puise sa force dans les lumières de la raison, et pour combattre le dogme, elle s'appuie sur l'observation scientifique. On juge, dès lors, de l'accueil qui lui a été fait. Nous avons rapporté l'histoire de l'archevêque de Barcelone, faisant brûler les livres d'Allan Kardec, sous prétexte de sorcellerie. Ce procédé renouvelé de l'inquisition montre assez ce que l'on ferait des spirites si jamais on avait le pouvoir de les détruire.

En France, les immunités du clergé ne vont pas jusque-là. Nous évitons le fagot, mais les prêtres ne se font pas faute de prêcher contre notre doctrine, qu'ils prétendent inspirée par Satan.

Ces déclamations n'ont aucune influence sur nous, car, depuis longtemps, nous ne croyons plus au dieu du mal. Ce sombre génie, inventé par la caste sacerdotale pour terrifier les peuples enfants du moyen âge, est bien démodé aujourd'hui, et ses chaudières vengeresses ont fui devant les lumières du progrès. Nous nous faisons une idée trop haute de la divinité pour croire qu'elle a pu créer des êtres éternellement voués au mal ; d'ailleurs, l'antique conception de l'enfer est démentie par le témoignage journalier des esprits ; elle ne saurait donc nous influencer en aucune manière.

Mais entrons pour un instant dans les idées catholiques, supposons que l'esprit du mal rôde autour de nous, quaerens quem devoret ; nous devrions reconnaître l'arbre à ses fruits et nous tenir soigneusement en garde contre ses suggestions. Prêche-t-il la haine, l'envie et la colère ? nous incite-t-il à satisfaire toutes nos passions ?

Non, les Esprits qui se communiquent enseignent la fraternité, le pardon des injures, la mansuétude pour les amis et les ennemis. Ils nous disent que la seule voie pour parvenir au bonheur est celle du bien, que les seuls sacrifices qui sont agréables au Seigneur sont ceux que nous remportons sur nous-mêmes. Ils nous exhortent à veiller soigneusement sur nos actes afin d'éviter l'injustice ; ils nous recommandent l'étude de la nature et l'amour de nos semblables, comme les uniques moyens de nous élever rapidement vers un avenir plus brillant. Loin de nous dire que le salut est personnel, ils nous font envisager le bonheur de nos frères comme l'objectif supérieur vers lequel doivent tendre tous nos efforts ; enfin ils placent le suprême bonheur dans la fraternité la plus sublime : celle du coeur.

Si ce sont là les moyens employés par Satan pour nous pervertir, il faut avouer qu'ils ressemblent étrangement à ceux que Jésus employait pour réformer les hommes, et l'ange des ténèbres fait bien mal ses affaires en nous ramenant à la vertu par l'austérité de la morale qu'il recommande dans les communications.

S'il nous est impossible de croire à des légions de damnés, il ne s'ensuit pas que les méchants jouissent de l'impunité. Dans le livre : Le Ciel et l'Enfer, Allan Kardec a peint d'après nature les souffrances des esprits malheureux, et si l'enfer n'existe pas, les âmes perverses n'en supportent pas moins de cruels châtiments. Mais nous savons aussi que ces peines ne seront pas éternelles. Dieu permet au pécheur de les abréger en lui donnant la faculté de se racheter par des expiations proportionnées à ses fautes. Voilà en quoi nous différons absolument de tous les dogmes, c'est que notre espoir est fondé sur la justice et la bonté infinie du Créateur. Nous ne pouvons supposer que Dieu serait plus cruel envers nous qu'un père vis-à-vis de son enfant repentant, et cette espérance chasse de nos coeurs la navrante pensée d'un désespoir éternel.

Quelle lumière nouvelle apporte le spiritisme ! Plus d'incertitudes cruelles sur notre avenir, l'au-delà mystérieux, voilé sous les actions des religions, se montre à nous dans toute sa réalité ; plus d'enfer, plus de ciel, mais la continuation de la vie se poursuivant dans le temps et l'espace et éternelle comme tout ce qui existe. L'ascension incessante de tout ce qui est vers des destinées toujours plus hautes, voilà le véritable bonheur. Loin de croire à une béatitude fainéante, nous plaçons la félicité dans une activité sans cesse agissante et le bonheur dans la connaissance de plus en plus parfaite des lois de l'Univers. Que l'on jette un coup d'oeil sur les bienfaits que l'homme a ressentis du progrès des sciences, que l'on compare le bien-être matériel dont il jouit actuellement avec les conditions misérables de sa vie d'il y a cent ans, et l'on comprendra que, si dans le domaine physique de telles révolutions sont possibles, ce ne sont que de misérables avatars à côté des splendeurs que nous promettent nos évolutions morales vers l'infini.

Plus de dogmes, plus de choses incompréhensibles, toujours une harmonie sublime se décèle dans les moindres détails de cette immense machine qui se nomme l'Univers ! Et la satisfaction profonde de comprendre quel est enfin notre but ici-bas est le résultat de l'étude attentive des manifestations spirites. Pour mieux faire comprendre le caractère et la portée scientifiques du spiritisme, nous allons résumer en quelques mots les points principaux sur lesquels il s'appuie, en renvoyant aux livres d'Allan Kardec les lecteurs désireux d'étudier plus à fond cette croyance.

Le spiritisme enseigne en première ligne l'existence de Dieu, le moteur initial et unique de l'Univers ; en lui se résument toutes les perfections poussées à l'infini, il est éternel et tout-puissant.

Nul ne peut le connaître sur la terre, mais tous subissent ses lois ; notre entendement est trop faible encore pour nous élever jusqu'à ces sublimes hauteurs, mais notre raison nous prouve qu'il existe et les Esprits, mieux placés que nous pour apprécier sa grandeur, s'inclinent avec respect devant sa majesté infinie. Nous n'avons pas acquis assez de développement intellectuel pour embrasser dans son étendue cette grandiose notion de la Divinité, mais nous tendons vers elle comme le phalène vers la lumière. Le désir de connaître et de savoir développe dans les coeurs les plus nobles aspirations, et plus tard, débarrassé de la matière, gravitant vers la perfection, l'Esprit se fera une idée de plus en plus élevée de ce Tout-Puissant qu'il pressent aujourd'hui et qu'il connaîtra un jour.

Le temps n'est plus où l'on concevait Dieu comme une puissance implacable et vengeresse condamnant éternellement l'homme pour une faute d'un moment. Non, la sombre Divinité de la Bible ne plane plus sur nous comme une menace perpétuelle, ce n'est plus le Jéhovah farouche qui ordonnait l'égorgement de ceux qui ne croyaient pas en lui, et qui faisait courber des milliers d'hommes sous le vent de sa colère comme un champ de roseaux sous l'aquilon furieux.

Le Dieu moderne nous est apparu comme l'expression parfaite de toute science et de toute vertu. Son intelligence s'est décelée dans l'admirable ensemble des forces qui dirigent l'Univers, sa bonté par la loi de réincarnation qui nous permet de racheter nos fautes par des expiations successives et de nous élever par degrés, jusqu'à sa majesté infinie.

Le Dieu que nous comprenons est l'infinie grandeur, l'infinie puissance, l'infinie bonté, l'infinie justice ! C'est l'initiative créatrice par excellence, c'est la force incalculable, l'harmonie universelle ! C'est Dieu qui plane au-dessus de la création, qui l'enveloppe de sa volonté, qui la pénètre de sa raison ; c'est par lui que les univers se forment, que les masses célestes roulent leurs splendeurs étincelantes dans les profondeurs du vide, c'est par lui que les planètes gravitent dans les espaces en formant de rayonnantes auréoles aux soleils. Dieu, c'est la vie immense, éternelle, indéfinissable, c'est le commencement et la fin, l'alpha et l'oméga.

Le spiritisme enseigne en second lieu l'existence de l'âme, c'est-à-dire du moi conscient, immortel et créé par Dieu. Nous ignorons l'origine de ce moi, mais quelle qu'elle soit, nous croyons que Dieu a fait tous les esprits égaux et les a doués d'égales facultés pour parvenir au même but : le bonheur. En même temps que la conscience, il nous a donné le libre arbitre qui nous permet de hâter plus ou moins notre évolution vers des destinées supérieures. Nous savons que l'âme de l'homme existait avant son corps, que celui-ci aurait pu ne pas être, que la nature entière pourrait ne pas exister, sans que l'âme en soit nullement atteinte ; en un mot, elle est immatérielle et indestructible.

C'est le moi conscient qui acquiert, par sa volonté, toutes les sciences et toutes les vertus qui lui sont indispensables pour s'élever sur l'échelle des êtres. La création n'est pas bornée à la faible partie que nos instruments nous permettent de découvrir, elle est infinie dans son immensité. Loin de nous considérer comme les habitants exclusifs de notre petit globe, le spiritisme démontre que nous devons être les citoyens de l'Univers.

Nous allons du simple au composé. Partis de l'état le plus rudimentaire, nous nous sommes petit à petit élevés jusqu'à la dignité d'êtres responsables ; chaque connaissance nouvelle que nous fixons en nous nous fait entrevoir des horizons plus vastes, nous fait goûter un bonheur plus parfait. Loin de placer notre idéal dans une oisiveté éternelle, nous croyons, au contraire, que la suprême félicité consiste dans l'activité incessante de l'esprit, dans sa science de plus en plus grande, et dans l'amour qui se développe au fur et à mesure que nous gravissons la route ardue du progrès. C'est l'amour le moteur divin qui nous entraîne vers ce foyer rayonnant que l'on appelle Dieu !

On comprend que ces idées nous obligent à admettre la pluralité des existences, autrement dit la loi de réincarnation. Lorsqu'on songe pour la première fois à la possibilité de vivre un grand nombre de fois sur la terre avec des corps humains différents, cette idée semble tout d'abord bizarre, mais lorsqu'on réfléchit à la somme énorme d'acquis que nous devons posséder pour habiter l'Europe, à la distance qui sépare le sauvage de l'homme civilisé, à la lenteur avec laquelle on acquiert une habitude, on voit se dessiner l'évolution des êtres et l'on conçoit les vies multiples et successives comme une nécessité absolue qui s'impose à l'esprit, aussi bien pour gagner le savoir que pour racheter les fautes que l'on a pu commettre antérieurement. La vie de l'âme, envisagée sous ce point de vue, démontre que le mal n'existe pas, ou plutôt qu'il est créé par nous, en vertu de notre libre arbitre.

Dieu établit des lois éternelles que nous ne devons pas transgresser, mais si nous ne nous y conformons pas, il nous laisse éternellement la faculté d'effacer par de nouveaux efforts les fautes ou les crimes que nous avons commis. C'est ainsi que les esprits, s'aidant les uns les autres, parviennent au bonheur qui doit être l'apanage de tous les enfants de Dieu.

Notre philosophie agrandit le coeur, elle considère les malheureux, les déshérités de ce monde, comme des frères auxquels on doit l'appui d'une main secourable. C'est pourquoi nous pensons qu'une simple question de temps sépare les sauvages les plus abrutis des hommes de génie de nos nations civilisées. Au point de vue moral, il en est de même, et les monstres tels que les Néron, les Caligula, peuvent et doivent, par la suite, arriver au même degré que les saint Vincent de Paul.

L'égoïsme est entièrement détruit par le spiritisme. Il proclame que nul ne peut être heureux s'il n'a aimé ses frères et s'il ne les a aidés à progresser moralement et matériellement. Dans la lente évolution des existences nous pouvons être à diverses reprises, et réciproquement : père, mère, époux, fils, frères, etc. C'est ainsi que se cimentent les liens si puissants de l'amour. C'est par une aide mutuelle que nous acquerrons ces vertus indispensables à notre avancement spirituel.

Aucune philosophie ne s'est élevée à une plus haute conception de la vie universelle, aucune n'a prêché une morale plus pure. C'est pourquoi, détenteurs d'une partie de la vérité, nous la présentons au monde appuyée sur les bases inébranlables de l'observation physique.

Le spiritisme est une science progressive, elle se base sur la révélation des Esprits. Or, ceux-ci, à mesure qu'ils progressent et que nous grandissons intellectuellement, découvrent des vérités nouvelles, de sorte que leur enseignement est gradué et s'élargit à mesure qu'eux-mêmes deviennent plus instruits. Nous n'avons donc ni dogmes, ni points de doctrine inébranlables ; en dehors de la communication des vivants et des morts et de la réincarnation qui sont absolument démontrées, nous admettons toutes les théories qui se rattachent à l'origine de l'âme et à son avenir. En un mot, nous sommes des positivistes spirituels, ce qui nous donne une supériorité incontestable sur les autres philosophies dont les adeptes sont renfermés dans d'étroites limites.

Telle est, dans ses grandes lignes, cette philosophie que l'on a cherché à avilir, par les mensonges et les calomnies. On conçoit que nos idées et la valeur de nos croyances nous mettent fort au-dessus de ces misérables critiques, mais il faut que le soleil de la justice se lève sur nous et permette aux penseurs d'apprécier dans toute sa grandeur cette noble doctrine.


1 Un moderne émule de M. Soury, M. Paul Heuzé, a employé les mêmes procédés et observé la même attitude. Les mêmes réponses peuvent lui être adressées. (Note de la nouvelle édition.)