Conclusion.

En résumé, nous dirons qu'il ressort de l'étude des faits la certitude que nous possédons un principe pensant, indépendant de la matière, qui n'est pas soumis comme elle aux transformations de la vie, et dans lequel réside le souvenir. Pour combattre cette vérité si simple, des savants ont fouillé les profondeurs les plus intimes de l'être, afin d'en extraire des arguments.

On est surpris de voir combien ils s'égarent, lorsque, quittant le solide terrain de l'expérience, ils se hasardent, guidés par des hypothèses, dans le domaine philosophique. C'est qu'ils ne veulent admettre que ce qui est visible, tangible, que l'on peut mesurer. Nous n'aurions rien à dire contre cette méthode, si on s'en servait toujours ; mais ce qui n'est pas juste, c'est qu'on ne l'applique qu'aux phénomènes psychiques. Broussais disait : «J'ai disséqué bien des cadavres, je n'ai jamais trouvé l'âme.» Et cependant, il admettait la vie et les sciences naturelles qui ne reposent que sur des entités.

Ecoutons M. Laugel :

«La chimie se contente de mots toutes les fois qu'il est impossible de pénétrer l'essence même des phénomènes. De quoi parle-t-elle sans cesse ? D'affinité ; n'est-ce pas là une force hypothétique, une entité aussi peu tangible que la vie et que l'âme. La chimie renvoie à la physiologie l'idée de la vie et refuse de s'en occuper. Mais l'idée autour de laquelle la chimie se déroule a-t-elle quelque chose de plus réel ? Cette idée est souvent insaisissable, non seulement dans son essence, mais encore dans ses effets. Peut-on méditer, par exemple, un instant sur les lois de Berthollet sans comprendre qu'on est en face d'un mystère impénétrable ? Dans les expériences qui ont servi à les fonder, les réactions chimiques sont ramenées à des conditions purement statiques et indépendantes des affinités proprement dites ; mais dans le phénomène d'une combinaison, dans cet entraînement qui précipite l'un vers l'autre des atomes qui se cherchent, se joignent en échappant aux composés qui les emprisonnaient, n'y a-t-il pas de quoi confondre l'esprit ?

«Pour moi, je pense que plus on étudie les sciences dans leur métaphysique, plus on peut se convaincre que celle-ci n'a rien d'inconciliable avec la philosophie la plus idéaliste. Les sciences analysent les rapports, elles prennent des mesures, elles découvrent les lois qui règlent le monde phénoménal ; mais il n'y a aucun problème, si humble qu'il soit, qui ne les place en face de deux idées sur lesquelles la méthode expérimentale n'a aucune prise : en premier lieu, l'ESSENCE de la substance modifiée par les phénomènes ; en second lieu, la FORCE qui provoque ces modifications. Nous ne connaissons, nous ne voyons que des dehors, des apparences : la vraie réalité, la réalité substantielle et la cause nous échappent.»

Nous ne pouvons mieux terminer cette revue qu'en citant les paroles suivantes de l'illustre physiologiste Claude Bernard :

«La matière, quelle qu'elle soit, est toujours dénuée de spontanéité et n'engendre rien ; elle ne fait qu'exprimer par ses propriétés l'idée de celui qui a créé la machine qui fonctionne. De sorte que la matière organisée du cerveau qui manifeste des phénomènes de sensibilité et d'intelligence propres à l'être vivant n'a pas plus conscience de la pensée et des phénomènes qu'elle manifeste, que la matière brute d'une machine inerte, d'une horloge par exemple, n'a conscience des mouvements qu'elle manifeste ou de l'heure qu'elle indique ; pas plus que les caractères d'imprimerie et le papier n'ont la conscience des idées qu'ils retracent. Dire que le cerveau sécrète la pensée, cela reviendrait à dire que l'horloge sécrète l'heure ou l'idée du temps...

«Il ne faut pas croire que c'est la matière qui a engendré la loi d'ordre et de succession, ce serait tomber dans l'erreur grossière des matérialistes.»